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Le boomerang centraméricain: fabriquer le problème, puis le renvoyer
Flashmag! Issue 165 October 2025
Les années 1990 prolongent cette logique à coups de déportations massives. Des milliers de jeunes Salvadoriens et Guatémaltèques, socialisés dans les rues de Los Angeles et formés dans ses prisons, sont renvoyés vers des pays en ruine. Là-bas, sans emploi ni État fort, ils répliquent ce qu’ ils connaissent: la structure du gang, la hiérarchie, la violence. Les maras— MS-13 et Barrio 18— naissent de cette transplantation brutale. Ironie tragique: ces maras, créées par les guerres et les prisons américaines, deviennent le prétexte de nouvelles politiques anti-immigrées aux États-Unis. L’ Amérique renvoie ses propres fantômes— puis s’ effraie en les voyant revenir. Entre 1998 et 2005, près de 46 000 condamnés ont été déportés par les États-Unis vers l’ Amérique centrale, en plus de 160 000 immigrants illégaux. Ces déportations ont contribué à la croissance des gangs dans la région. Par exemple, le Salvador a vu 1 500 « pandilleros » déportés en 2006 seulement. Le retour de ces individus, souvent jeunes et ayant été socialisés dans un environnement de gang et de prison aux États-Unis, dans des pays ravagés par la guerre civile et manquants de structures étatiques solides, a alimenté la violence et l’ organisation criminelle. L’ absence d’ opportunités de développement et la pauvreté ont favorisé l’ implantation rapide des maras( V. Alonso, 2018). Les politiques répressives, telles que la“ mano dura” ou“ main de fer”, adoptées par les autorités politiques nationales, ont parfois renforcé la cohésion et l’ organisation criminelle des gangs, car elles ne prenaient pas en compte le contexte social sous-jacent. Les expulsions massives ont ainsi non seulement exporté le phénomène des gangs vers l’ Amérique centrale, mais ont également créé un cycle où ces gangs, formés en partie à cause des politiques américaines, sont ensuite utilisés comme justification pour de nouvelles politiques anti-immigrés aux États-Unis Ce que les États-Unis appellent“ criminalité immigrée” est souvent le reflet de leur propre politique étrangère.

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