Issue 129 May 2022 Flashmag! Numéro 129 Mai 2022 | Page 21

Lorsque vous laissez tomber vos études de pharmacie , pour vous engager dans cette voie incertaine qu ’ est la musique , que fut la réaction de vos proches et parents ?
Au début ils ne savaient pas et je faisais mes a aires en catimini . Les gens leur disaient « ah ! J ’ ai entendu chanter ta fille » … pour eux je chantais en dilettante quoi … Je faisais des « jams » dans des clubs avec des potes musiciens qui me demandaient de chanter avec eux … pour mes parents , ce n ’ était pas mon métier . J ’ avais une bonne réputation … mais o ciellement j ’ étais étudiante aux beaux-arts à ce moment-là . C ’ était en dilettante mais au final , je suis devenue professionnelle . Ils se sont rendu compte que j ’ en avais fait mon métier lorsque j ’ ai demandé à ma mère de ne plus m ’ envoyer la rente mensuelle parce que je gagnais plus que ce qu ’ elle m ’ envoyait . Je trouvais anormal qu ’ elle continue à m ’ envoyer des sous , alors que j ’ en gagnais su samment pour payer mon loyer . Mes parents ont compris surtout que j ’ étais une adulte à ce moment-là , et que je choisissais de faire ce qui me plaisait . A aucun moment ils n ’ ont dit que ça les embêtait que je fasse de la musique , même si c ’ était le cas … Je crois qu ’ ils avaient juste envie que l ’ on réussisse dans un métier qui nous plaise et qu ’ on avait choisi .
Kassav se créé en 1979 , et vous êtes l ’ une des premières à être recrutée comme choriste en 1980 . Quel était l ’ atmosphère dans le groupe ? Vos premières impressions lorsque vous y êtes arrivée ?
Je me sentais très bien . En fait , lorsque j ’ ai entendu à la radio le premier album de Kassav ’, j ’ ai dit « c ’ est là , que je veux aller ». Cette musique-là , m ’ interpellait . Les arrangements me paraissaient nouveaux , originaux . En piano-bar , je chantais souvent les musiques de chez nous , Biguines et Mazurkas , on les jazzifiait … pour leur donner une couleur un peu moins folklorique ; et je me disais qu ’ il fallait que je trouve un style qui ne soit pas copié aux autres , lorsque je commençais à rêver de chanter en solo . Dans les musiques populaires de l ’ époque , chez nous , il y avait Malavoi , La Perfecta , et le Konpa haïtien qui dominait , la salsa aussi ... Donc je rêvais d ’ un style di érent à créer , mais je n ’ étais pas arrangeur et ça restait un rêve . Mais lorsque j ’ ai entendu Kassav ’, j ’ ai été attirée par leur style …
En fait l ’ univers a dû entendre mon cri , les choses se sont mises en place , et pour le deuxième album ils m ’ ont appelé pour faire les chœurs . Lors de la séance , j ’ ai eu une petite prise de bec avec Jacob et j ’ ai pensé qu ’ ils ne me rappelleraient pas … Alors j ’ ai continué à faire ma vie , choriste des Gibson Brothers , Bernard Lavilliers et d ’ autres … en 1982 Kassav ’ part en tournée mais je ne suis pas disponible … en 1983 ils me rappellent et je les rejoins . D ’ abord choriste puis soliste , je n ’ ai plus envie de les quitter et doucement je fais partie du groupe
Le succès ne viendra pas illico aux premières tentatives , car vous allez connaitre quelques revers en 1982 lorsque vous essayez de lancer le groupe en ce moment-là , vous jouiez dans les bals et autres fêtes foraines aviez-vous jamais eu des doutes ?
Kassav ’ voulait faire des concerts et les premiers furent un fiasco , un gros gou re financier . Les gens ne concevaient pas que nos musiques se jouent ailleurs que dans les salles de bal . Pierre Edouard-Décimus qui a créé le groupe , a alors pensé qu ’ il fallait d ’ abord se faire connaitre dans les bals . On proposait notre musique en entracte dans des soirées , où les groupes plus populaires se produisaient . Au fur et à mesure les gens trouvaient un intérêt et jugeaient notre musique cool , di érente , intéressante … Pendant l ’ année 83 et le Carnaval 1984 , on s ’ est essentiellement appliqué à faire connaitre notre style dans les bals et en jouant sur des chars dans les rues pendant le carnaval . De retour à Paris , on faisait des albums solos en plus de l ’ album annuel de Kassav ’ pour installer le style . Jean Philippe ( Marthely ), Jacob ( Desvarieux ), Patrick ( St Eloi ), Jean Claude ( Naimro ), et même Georges ( Décimus ) qui était bassiste mais compositeur … tous , au fur et à mesure proposaient des déclinaisons du zouk qui n ’ était pas encore nommé . C ’ était une stratégie qui peaufinait le style de Kassav ’, car tous ces albums solos étaient faits avec les musiciens du groupe . Lorsqu ’ en fin 84 , la bombe de l ’ album contenant « Zouk-La Sé Sel Médikaman Nou Ni » explose , cela change la donne et tout le monde adhère à Kassav ’. .
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