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Une mémoire fractionnée et l’ imputation des conflits aux administrations
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Aux États-Unis, il est courant d’ imputer le déclenchement et les conséquences des guerres à des figures présidentielles spécifiques, plutôt qu’ à une responsabilité nationale partagée( Martha McHardy, 2025). La guerre du Vietnam, par exemple, est souvent associée au président Kennedy, malgré l’ escalade progressive de l’ implication américaine sur vingt ans, de 1955 à 1975. En 1962, l’ ambassadeur américain en Inde, John Kenneth Galbraith, avertissait déjà le président Kennedy d’ un“ engagement militaire croissant” au Vietnam, craignant qu’ il ne se transforme en une“ implication militaire majeure, prolongée et indécise”. Les historiens continuent de débattre si Kennedy aurait suivi la même voie que Lyndon Johnson, même si les premières étapes de l’ escalade ont eu lieu sous sa présidence. Les États-Unis sont passés de 23 000 hommes en 1964 à 185 000 en 1965, avec les premiers bombardements sur le Nord-Vietnam décidés en février 1965. Ce conflit, qui a coûté la vie à près de 60 000 Américains et à plus d’ un million de Vietnamiens, a provoqué une forte contestation interne et a poussé les citoyens américains à s’ interroger sur les principes moraux de leur politique étrangère et de leurs actions militaires. De même, la guerre en Irak est fréquemment attribuée à l’ administration Bush, illustrant cette tendance à personnaliser les conflits. Cette fragmentation de la mémoire empêche une véritable prise de conscience collective des coûts humains et sociétaux des interventions militaires, ne permettant pas à la nation d’ intégrer pleinement ces expériences dans son histoire collective et d’ en tirer des leçons durables pour l’ avenir. Paradoxalement, dans des pays souvent labellisés par la doxa occidentale comme autocrates, les décisions d’ aller en guerre sont plus réfléchies. On est très loin des bombardements sur la Libye décrétés par Barack Obama après un nième simulacre aux Nations unies, ou encore de la décision unilatérale de Donald Trump de bombarder l’ Iran sans consulter le Congrès américain ou une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.