Ce qui vaut six pages tout de même , dans lesquelles on voit l ’ artiste tour à tour piler , mettre de l ’ huile dans une poêle pour faire la cuisine , passer la serpillière … tout en évoquant son " sex appeal irrésistible , qui aiguise les appétits et réveille les désirs érotiques non assouvis de certains spectateurs ". Cet engouement se traduit " en moyenne par jour par 50 à 60 lettres et 600 coups de téléphone de ses admirateurs ", estime-t-elle . Un phénomène est en train de naître , qui dépasse la musique . Cette " peopolisation " alimente les journaux , tandis que toutes sortes de rumeurs se propagent . L ’ épisode le plus emblématique reste sans aucun doute l ’ a aire du " mariage manqué " avec François Lougah , chanteur ivoirien de premier plan . Coup de pub savamment monté par Tshala Muana et son manager Ram Ouedraogo ( devenu plus tard ministre du Burkina Faso ) ? Incompréhension ? Emballement ? Les rebondissements passionnent l ’ opinion . " Qui a menti ?", s ’ interroge sur dix pages l ’ hebdo Ivoire Dimanche en mai 1984 , prenant la défense de l ’ enfant du pays et accablant la chanteuse . De plus en plus demandée à l ’ étranger , elle nourrit ses chansons des relations entre hommes et femmes , à l ’ image d ’ Amina (" L ’ homme est comme un lit d ’ hôpital , qui reçoit tous les malades ") ou Akou a , la bonne à tout faire (" Toi , la bonne si gentille , tu as détruit mon foyer "). Toutes ces histoire d ’ idylles souvent infondée ne font qu ’ alimenter l ’ aura de la zaïroise qui quoi qu ’ on dise séduit de par son attrait physique , et sa bonne humeur . En 1986 alors que l ’ équipe du Sénégal de football de la generation hyper douées de Thierno Youm et Jules Bocandé joue la coupe d ’ Afrique des Nation en Egypte , la presse people du Caire lui invente une idylle avec l ’ attaquant vedette des lions de la Teranga Jules Bocandé avec qui elle aurait été aperçue en boite de nuit à la veille d ’ un match capital de l ’ équipe du Sénégal contre la Cote d ’ Ivoire d ’ Abdoulaye Traore et Youssouf Fofana . La défaite 1 but à zéro contre les éléphants de Cote d ’ Ivoire élimine le Sénégal qui pourtant jusque-là , avait fait un parcours sans faute Battant l ’ Egypte à domicile avant de dominer le Zimbabwe . Cette histoire aura un Retentissement dans toute l ’ Afrique et se racontera dans toutes les chaumières .
Des années plus tard Amadou Diop capitaine à l ’ époque a rme qu ’ il s ’ agissait plutôt du joueur Sénégalais Antoine Coly qui sociétaire du Club Brugge en Belgique n ’ avait pas été retenu dans l ’ équipe type jouant la coupe d ’ Afrique des nations de 1986 mais avait fait le deplacement du caire comme touriste , et était en boite ce soir-là , non pas avec Tshala Muana mais avec une certaine Chantale un top model d ’ origine gabonaise qui elle aussi visitait l ’ Égypte pour la coupe d ’ Afrique des Nations . L ’ erreur venait sans doute du fait qu ’ il portait aussi une coi ure Rasta comme Jules Bocandé . Quoi qu ’ il en soit la réputation de briseuse de cœur de la belle zaïroise ne pouvait que grandir après ces ragots . « L ’ éclosion artistique de Tshala Muana commence réellement en Côte d ’ Ivoire , où , plus danseuse que chanteuse , elle devint plus connue qu ’ au Congo , confirmait Ossinonde sur les pages de Jeune Afrique . La regarder danser était un ravissement . Elle , de son côté , ne rêvait que de marcher sur les traces de ses aînés originaires des provinces du Kasaï , tels Tino Baroza et Charles Déchaud Mwamba .» La clé de son succès ? L ’ ouverture d ’ un créneau nouveau . Partant de la rumba congolaise , Tshala Muana a su l ’ enrichir , la densifier en y ajoutant la touche tradi-moderne du folklore Luba ( peuple des provinces du Kasaï ), le mutuashi . Paris place incontournable pour les musiciens africains des années 80 accueillera Tshala Muana à bras ouvert en 1983 . La jeune femme de 26 ans s ’ installe à Paris , alors plaque tournante des musiques d ’ Afrique francophone . Dans son eulogie Radio France internationale sous la plume de Bertand Lavaine a rme que nombreux sont les musiciens des anciennes colonies françaises à foisonner dans les milieux de la musique africaines à Paris . Pour continuer à moderniser son mutuashi , épaulée par son compatriote guitariste Souzy Kasseya qui a compris sa démarche artistique , elle collabore donc avec les instrumentistes afroparisiens les plus en vue comme le Camerounais Aladji Touré ou le Cap-Verdien Manu Lima ( un des pères de l ’ afro-zouk ). Jacob Desvarieux , qui gravite lui aussi dans ce milieu , craque pour elle : Mwen Malad Aw , qui figure sur un album de Kassav ’, était destiné à attirer l ’ attention de Tshala Muana , en vain , avait-il assuré lors des trente ans de carrière de la chanteuse en 2008 .
24 Flashmag ! Issue 136 December 2022