Flashmag Digizine Edition Issue 104 April 2020 | Page 20

traversant des générations. Aussi, il est normal que ses jeunes confrères aient trouvé opportun de l’appeler affectionnément Papy Groove.

En plus de 60 ans de carrière Manu Dibango a tutoyé les sommets de la musique mondiale et restait très lucide et modeste quant à sa réussite en disant « Chacun a son karma. C’est un ensemble, une addition de beaucoup de bonnes et mauvaises choses. Il faut faire face à l’échec comme au succès. Il faut toujours surnager. »

Né dans une famille protestante de Douala au Cameroun, le 12 décembre 1933, Odilien Emmanuel N’djocke Dibango, dit Manu Dibango était de l’ethnie Yabassi du côté de son père et Douala du côté de sa mère.

Au printemps 1949, alors que Manu n’a que 15 ans il débarque à Marseille pour poursuivre ses études secondaires. Il est accueilli par son « correspondant » M. Chevallier, sévère instituteur de Saint-Calais. C'est dans la famille d'accueil de cette commune de Sarthe qu'il passe son adolescence, et découvre la culture française. Son autobiographie Trois kilos de café rappelle qu'il est arrivé avec dans son sac 3 kilos de café, denrée rare et chère à cette époque, pour payer ses premiers mois de pension. Ensuite, étudiant à Chartres, puis à Château-Thierry au début des années 1950, il y découvre le jazz, joue de la mandoline et y apprend le piano. Lors d'un séjour dans un centre de colonie réservé aux enfants camerounais résidents en France à Saint-Hilaire-du-Harcouët, il découvre le saxophone emprunté à son ami Moyébé Ndédi et y rencontre Francis Bebey. Ce dernier lui apprend les bases du jazz et ils forment un petit groupe jouant de cette musique ; mais c'est à Reims, où il prépare le baccalauréat en philo, qu'il s'initie au saxophone et commence à se produire dans les « boîtes » et les bals de campagne, au grand dam de son père, qui lui coupe les vivres en 1956, lorsqu'il échoue à la seconde partie du baccalauréat.

Précurseur de la world music Manu a intégré dès son enfance des influences très diverses : « Mon oncle paternel jouait de l’harmonium, ma mère dirigeait la chorale. Je suis un enfant élevé dans “Alléluia”. Ça n’empêche que je suis Africain, Camerounais et tout ça. J’ai l’harmonie des Bach et des Haendel dans l’oreille, avec les paroles camerounaises. C’est une richesse d’avoir au minimum deux possibilités. Dans la vie, je préfère être stéréo que mono. »

L’auteur de soul Makossa (1972) l’un des plus grands tubes planétaires de la musique africaine, raconte volontiers l’anecdote de ce tube. Un album avait été commandé par le gouvernement camerounais pour célébrer la Coupe d’Afrique des Nation de Football de 1972 à Yaoundé.

Le titre Soul Makossa de la Face B de ce 45-tours sera repéré par des DJ new-yorkais, dans les années 70 alors que l’on est à une époque de redéfinition de la pensée noire aux Etats-Unis, avec les mouvements comme celui des Black panthers. Le tube soul Makossa deviendra incontournable dans les soirées Newyorkaise où il fera lever les foules, mixé par une flopée de DJ. Certains analystes de la scène musicale mondiale créditent Manu Dibango de précurseur du Rap. Dans soul Makossa, Manu Rap carrément une espèce de Hip Hop rustique qui forcement aura inspiré plus d’un surtout quand sait que le Rap viendra juste après à la fin des années 70 début 80. Pareil pour la Rythmique de la chanson le Bucheron de Franklin Boukaka sortie en 1970 dont les beats sont quasiment identiques à ce qui déroulera le Funk et le Hip Hop des années 80 et 90. On peut comprendre aisément pourquoi Soul Makossa sera plagié par Michael Jackson sur un titre de l’album Thriller, tant Manu Dibango aura influencé la musique noire globale et parfois même sans le savoir lui-même.

Manu philosophait sur cet intermède en disant « Ça n’avait pas été tellement fait dans les règles », mais un accord financier a été trouvé, et « cela a fait revivre la chanson, c’est devenu un standard », aujourd’hui repris par « beaucoup de gens, dont Rihanna et tout dernièrement Beyoncé ».

Affirmait Manu Dibango, à l’Agence France Presse en 2019.

Körinn "Traversée "

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Propos receuillis par Hubert Marlin

Journaliste

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